Au nord-est du département, le Pays de Sarreguemines s'avance à l'est vers le Pays de Bitche et ses forêts. Moins identifié que ce dernier, il y prolonge le plateau lorrain. Limitrophe au sud de l'Alsace bossue et au nord du Palatinat, il apparaît comme un lieu d'accès à toutes ces différentes régions.

UN PAYSAGE DIVISE PAR LA SARRE

La Sarre divise le Pays de Sarreguemines en deux ou trois régions différentes, tant par l'allure générale du relief que par la composition géologique du sous-sol, bien que l'ensemble reste de moyenne altitude, entre 200 et 400 mètres et que son couvert végétal reste assez semblable.

D'une part, à l'est le plateau calcaire de Sarreguemines (Muschelkalk ou calcaire coquillier). Ce plateau, très sec, est sillonné par des rivières aux vallées profondes. Il est couvert de prés, de champs fertiles de céréales ou herbages, entrecoupés de rares forêts de hêtres et de chênes d'où le nom " das Land, der Gau ". C'est à un déboisement intensif, sans doute avant le XVIe siècle, que bon nombre de communes sont depuis bien longtemps pratiquement dépourvues de forêt, comme Wiesviller ou Wittring. C'est dans ce village que pénètre la Sarre - venant de Sarralbe - qui est le cours d'eau le plus important de l'arrondissement. Elle se dirige après vers Sarreguemines, après un crochet vers Zetting, où elle y trouve la Blies. Cette rivière serpente paresseusement dans ses vallées ou pentes abruptes couvertes sous la verdure luxuriante de ses saules et peupliers et forme la frontière depuis Blies-Ebersing. L'altitude augmente à mesure que l'on s'éloigne de la Sarre jusqu'aux bords de la Blies dont la rive droite est dominée par des hauteurs (330 mètres) qui barrent l'horizon.

Au nord-ouest de Sarreguemines, entre la Sarre et la Rosselle, le Muschelkalk réapparaît : c'est le pays des pierres (Steinart) ou du " Gau " (pays calco-marneux). L'altitude y est ici généralement plus élevée à mesure que l'on s'approche de Forbach. La Sarre ici longe la frontière sarroise sur un parcours de douze kilomètres avant de rejoindre Sarrebrück. Ces vallées sont des centres de peuplement important.

Par contre à l'ouest de la Sarre, faisant partie du Westrich, on trouve la région monotone de Puttelange aux coteaux arrondis et aux vallées évasées dite " flachgewelltes Hügelland ". C'est aussi le pays des rivières et des étangs ou le pays des marnes irisées ou Keuper. L'altitude moyenne est de 250 mètres. Ici de vastes hêtraies alternent avec des champs riches en céréales ou vastes prairies où l'élevage des bovins est prépondérant. La population y est assez dispersée. Les localités se multiplient et les communes sont formés de plusieurs hameaux.

SARREGUEMINES ET SES ENVIRONS, L'ESPRIT ENTREPRENEURIAL DU XIXe SIECLE

Ville d'artisanat, Sarreguemines comme le reste de sa région ne présente pas d'activité industrielle remarquable, outre ses moulins, tuileries et carrières, pendant l'ancien régime,.

En fait, la ville et ses environs connaissent de nombreuses implantations d'industries qu'a partir du XIXe siècle, avant la mise en place de l'administration allemande de 1871. On y trouve alors l'établissement des fabriques de coffres forts et serrures Haffner , de peluches, d'allumettes chimiques, tabatières…

Dans le domaine des industries, la plus reconnue est celle de la faïencerie. Une petite fabrique de cailloutage occupant une quinzaine de personnes apparaît à Sarreguemines en 1778. Celle-ci connaît son expansion sous la direction de Paul Utzschneider et Joseph Fabry à la suite d'une politique d'agrandissement (achat du moulin Engelmann sur la rive droite, construction de la Wackenmühle, élévation de bâtiments…), si bien que la faïencerie occupe en 1827 près de cent ouvriers. L'usine périclite ensuite mais une nouvelle société est crée en nom collectif et bénéficie des capitaux de Villeroy et Boch et de l'administration d'Auguste Jaunez. L'expansion continue alors (agrandissement du moulin de la Blies, achat du moulin de Frauenberg, acquisition de terrain…) jusqu'à la construction de nouvelles fabriques après 1850 sous la direction de Paul de Geiger. Sa production est alors reconnue dans toute la France. Et malgré les événements des guerres depuis 1870 et les restructurations, ses articles restent au premier rang.

UN PAYS D'OCCUPATION ANCIENNE

Les vestiges de la période paléolithique son très rares. On a découvert néanmoins quelques dents de mammouth et de nombreuses haches en pierre à Hanweiller.

 

 Les traces de l'homme au néolithique sont plus nombreuses. Les trouvailles comprennent ainsi de nombreux outils et armes à Rouhling, Cadenbronn, Folpersviller… La période du bronze (2000 - 1000 avant J-C) a laissé entre autres de nombreuses épées ou épingles à Ippling, Sarreguemines ou Sarreinsming mais surtout les tumulus de Cadenbronn et de Grosbliederstroff, c'est à dire dans une région proche de la Sarre et de Sarreguemines où se seraient installés les Ligures.

 

A l'époque gallo-romaine, alors que le Pays de Bitche appartient à la cité des Médiomatriques, en Gaule belgique, à la frontière de la Germanie et des Triboques d'Alsace, les indices d'occupation se multiplient surtout à gauche de la Sarre. Des petites agglomérations apparaissent à Théding, Flokling, Lixing lès Rouhling et Rouhling. Des villas rurales s'implantent dans leurs alentours. Le réseau routier est alors sans doute très développé. L'ancienne agglomération romaine de Bliesbrück reste le site le plus important des environs avec la découverte de ses thermes et ateliers d'artisans.

A la période romaine succède une occupation barbare, tantôt dans les anciennes localités ou en créant de nouvelles agglomérations. Les villas de Rouhling ou Grosbliederstroff sont détruites et les routes abandonnées. La population dans la région est alors mixte, comprenant des éléments gaulois, romains et germaniques (francs et alamans).

La cour d'Austrasie séjourne pendant quelques temps à Sarreguemines en 706. L'agglomération doit alors déjà revêtir une certaine importance - bien plus que les villes des alentours - due à sa position géographique et au nombre de sa population.

UNE TERRE MORCELEE

Dans le second quart du VIIIe siècle, la villa de Sarreguemines, Grosbliederstroff et les terres qui l'entourent, entrent en possession de Fulrad, abbé de Saint Denis puis de son abbaye. Terre d'églises, elle n'est pas soumise à l'autorité féodale comme le reste des villages de la région. S'ensuit une terrible lutte d'influence entre l'abbaye de St Denis et le comte de Marimont puis de Sarrebrück. Après bien des péripéties, l'abbaye se sépare de ses possessions de la vallée de la Sarre et de la Blies, après trois siècle d'attachement, au profit de la maison de Spanheim puis de Sarrebrück et enfin au duc de Lorraine. En effet, dans le but du recentrage lorrain, Ferry III et Eberhard de Deux-Ponts procèdent à l'échange de la seigneurie de Bitche contre Sarreguemines, Lindre et Marimont. Cet échange entraîne un différend entre les deux suzerains et une période de terreurs aux alentours de Sarreguemines. De ce poste avancé de la Lorraine ducale le duc de Lorraine réussit à de venir peu à peu propriétaires de terres et villages environnants soit directement soit par le don aux abbayes de Gräfinthal ou Tholey ou à la commanderie de l'ordre teutonique.

Outre les terres domaniales ou ecclésiastiques, la châtellenie de Sarreguemines comprend encore de nombreux fiefs mouvants. Ainsi, la région apparaît, au contraire de la seigneurie de Bitche, très divisée :

Seigneurie de Sarreguemines : Blies-Ebersing, Blies-Guersviller, Folpersviller, Grosbliederstroff, Ellviller, Neunkirch, Neufgrange, Remelfing, Sarreinsming, Sarreguemines, Wittring en partie

Seigneurie de Blieskastel : Bliesbruck, Blies-Schweyen, Welferding, Woustviller

Seigneurie de Forbach : Wittring en partie

Seigneurie de Frauenberg : Frauenberg, Wittring en partie

Seigneurie de Puttelange : Grundviller, Guebenhouse, Loupershouse

Seigneurie de Sarralbe : Hambach-Roth

Comté de Sarrebrück : Ippling, Hundling en partie, Lixing, Rouhling en partie

Commanderie de l'ordre teutonique : Hundling en partie, Rouhling en partie

Comté de Sarrewerden : Zetting et Bieding

Ce morcellement et l'extension des domaines des ducs de Lorraine contribuent à de nombreux conflits de frontière. La seigneurie est en outre ravagée par les troupes des alliés de Charles Le Téméraire. A court d'argent ensuite, les ducs de Lorraine sont forcés d'engager la seigneurie à plusieurs reprises au XVe et XVIe siècle. Ces guerres incessantes, les dépenses nombreuses du duc et le différent entre le châtelain de Sarreguemines et les habitants de la seigneurie au sujet des redevances et des corvées sont à l'origine dans la région de la révolte des Rustauds. Le château de Sarreguemines est assiégé et l'obéissance au duc de Lorraine refusée. La région se relève rapidement de ses ruines et la prospérité augmente rapidement, malgré les passages fréquents des armées impériales ou protestantes. De plus, le duc de Lorraine tente d'affermir sa puissance dans la vallée moyenne de la Sarre, d'y préparer l'annexion de ces voisins et de profiter toutes les occasions favorables pour agrandir le duché en pays de langue allemande. D'autant que plusieurs villages des alentours (Zetting, Wiesviller…) ont introduit la réforme aux portes de Sarreguemines. Les juifs quant à eux sont répartis dans les villages voisins de Rouhling, Woustviller, Puttelange et Frauenberg.

Mais le duc Charles III et ses successeurs, engagent un changement d'orientation politique. Ils engagent à nouveau plusieurs fois la seigneurie de Sarreguemines et portent maintenant leurs attentions sur le comté de Bitche, annexé aux Deux-Ponts-Bitche depuis 1572, qui sert à présent de nouveau point de regard vers l'Alsace.

La guerre de Trente ans (1631-1662) engendre une période de troubles dans la région. Dès 1633, les suédois rentrent dans la châtellenie et dans la ville de Sarreguemines. Et si le pays a su tirer bénéfice de sa position de passage de marchandises, il devient à présent , tour à tour, un couloir obligé des troupes françaises ou impériales. La vallée de la Sarre sert alors de vaste boulevard entre l'Alsace et Sarrebrück.

Le château de Frauenberg et de Sarreguemines sont rasés. Ce dernier et ses remparts seront reconstruits mais la ville a maintenant perdu définitivement un rôle militaire, déjà largement occupé par sa voisine Bitche. La bourgade n'est alors que le centre d'une région quasi-désertique qui subit l'influence de Hombourg et de la nouvelle province de la Sarre qui comprend d'ailleurs aussi les seigneuries voisines. Le dénombrement du bailliage d'Allemagne est consommé, réduisant à néant deux siècles d'unification de la Lorraine. La châtellenie n'est qu'un réduit passé directement depuis 1683 sous souveraineté française. Cet espace est ensuite colonisé et un arsenal d'ordonnances "libérales" facilite l'installation d'immigrés venus de tous les horizons. L'espace est enfin "francisé".

UNE CONTREE UNIE

Mais cette expérience sous le coup des troupes ennemies cesse en 1697. Après que le traité de Ryswick reconnaissent Vaudevrange à la France, Sarreguemines devient le nouveau siège du bailliage d'Allemagne du duché de Lorraine et entreprend une reconstruction matérielle Au bout du compte, le Pays de Sarreguemines se présente comme une région économiquement prospère grâce au potentiel humain de plus en plus abondant et à un capital local très actif ; il se présente aussi comme une région politiquement "fidélisée" par l'implantation de serviteurs ducaux (de Hausen, Maurice…) et par l'anoblissement de l'élite bourgeoise.

Cette période d'expansion s'accroît après le milieu du XVIIIe siècle. Des constructions hors les murs sont entrepris comme le couvent des capucins, l'hôtel de la ville, la caserne… En 1781, le comte de la Leyen cède la souveraineté de Welferding, Blieschweyen, Bliesbruck et Woutsviller. De même, la France récupère l'année suivante la seigneurie de Frauenberg. Dans ces villages, les charges fiscales et la mévente des produits agricoles entraînent une émigration vers le Banat, relativement moins importante néanmoins, que dans le pays voisin de Bitche.

A l'épreuve de la Révolution, le tout nouveau district de Sarreguemines a mission de propager dans son ressort l'idéologie en vogue, de faire correspondre finalement frontière diplomatique d'Ancien Régime et frontière politique de la Nation. Le Pays est rattaché à la Moselle, bien que la route directe l'unissait à la capitale des ducs de Lorraine. Ses anciens liens historiques auraient pu justifier son incorporation à la Meurthe mais c'était alors englober le Pays de Bitche à l'Alsace. Le comté de Sarrewerden, la plus étendue des enclaves allemandes est réuni en 1793 au Bas-Rhin, et cette singulière attribution à l'Alsace d'une partie des bords de la Sarre laisse subsister l'étranglement qui, aux environs de Sarreguemines, réduit le département à ne largeur de cinq kilomètres - le souhait au milieu du XIXe siècle de correction de cet étranglement, malgré l'appui du conseil général, n'est d'ailleurs pas exhaussé -. Une surveillance particulière est apportée à Sarreguemines où l'on se méfie de la versatilité de la population et la proximité de la frontière. Une partie de la bourgeoisie passe sur l'échafaud. Un nombre important de gens de toute condition émigre.

 Dessin Henri Bacher (Lixing au XIXe siècle) 

Au sortir de cette période, Sarreguemines ressort ville principale de l'est devant ses rivales Forbach et surtout Bitche, ancien siège de bailliage. Ainsi le premier arrondissement créée en 1800 s'étend de Saint Avold à Sturzelbronn, de langue allemande, dont le canton de Sarreguemines qui comprend la ville, Bliesbruck, Blies-Ebersing, Blies-Guersviller, Folpersviller, Frauenberg, Grosbliederstroff, Grundviller, Guébenhouse, Hambach, Hundling, Ippling, Lixing-lès-Rouhling, Loupershouse, Neufgrange, Rémelfing, Rouhling, Sarreinsming, Wiesviller et Wittring.

La ville est siège de la sous-préfecture, d'un tribunal, d'une gare… L'artisanat, le commerce, l'industrie se développent dans l'agglomération puis dans les villages environnants. Certains seront rattachés à la Bavière en 1825 (Bliesbolchen-Bliesmengen) et 1829 (Auersmacher, Bliesransbach, Hanweiler, Kleinblittersdorf, Rilchingen). Une élite industrielle et administrative a depuis longtemps remplacé la noblesse et la bourgeoisie. Elle subit par contre la mise en place de l'administration allemande après 1871, engageant un fort contingent d'optant pour la nationalité française.

Arrive la première guerre mondiale et le retour à la France. Le pays de Sarreguemines conserve en partie son aspect agricole malgré l'installation de l'électricité, des adductions d'eau, de caisses d'épargne, et de nombreux bâtiments sous le régime précédent. La ville de Sarreguemines reste cependant le pôle d'attraction des environs avec le bassin houiller.

L'évacuation de septembre 1939 et les destructions inhérentes à la seconde guerre mondiale vont changer complètement l'aspect et le déroulement quotidien de la vie du Pays de Sarreguemines. Il entend aujourd'hui faire émerger un grand pôle industriel et conserver sa position démographique dans le département.